• C'est un grand moment

    Chers lecteurs, c'est aujourd'hui un grand moment pour moi ! En effet, on vient de m'annoncer la publication d'une de mes nouvelles participantes à un concours, qui plus est en "premier prix ado" ! Ce qui fait ma quatrième publication dans un recueil ! Pour fêter ça, voici le début de ma nouvelle (elle est assez longue je ne la poste donc pas en entier pour le moment), intitulée La petite ballerine ! :D

    Il y avait ce livre, toujours posé sur la deuxième étagère de notre bibliothèque. Il datait de la guerre, pourtant sa reliure était intacte, faite d’un beau cordon de cuir rouge. La couverture était rouge également, ornée de dessins dorés. Chaque jour, lorsque je m’en allais pour l’école, je lançais un baiser vers la bibliothèque; à destination de l’héroïne du livre : Marina.

    Marina était une jeune danseuse de ballets, qui tout au long de l’histoire apprenait la rudesse de la vie et du métier de ballerine. Chaque fois que j’en tournais les pages, et que je voyais la mine défaite de Marina sur les dessins d’aquarelle, je me révoltais de ne rien pouvoir faire. Son histoire allait par vagues : Marina arrivait à Paris et subissait les moqueries de ses collègues sur sa taille trop fine et son cou trop long. Alors, chaque soir, silencieusement elle pleurait. Et puis, essuyant ses larmes, elle se persuadait de continuer, de vaincre ses peurs et ses angoisses ainsi que ces futilités qui l’atteignaient inutilement. Et le lendemain elle dansait, plus éclatante que jamais. Et puis l’angoisse l’enchaînait à nouveau, elle brisait ses puissantes griffes, repartait plus motivée encore. J’adorais passer ma main sur le tissu finement dessiné des tutus en dentelle. Je m’imaginais dans les coulisses de l’Opéra de Paris à effleurer ces robes et contempler les corps des ballerines se mouvant. 

    Maman et moi adorions ce livre. Quand j’étais toute petite, elle me le lisait le soir en me berçant gentiment contre elle. Assises sur la cheminée, le feu crépitant nous donnait une impression de foyer chaleureux. Et je me laissais aller à écouter l’histoire de Marina, qui après l’épreuve de ses collègues sarcastiques, affrontait la dureté physique de la danse. Je souffrais pour elle en entendant le récit de ses cuisses étirées, de ses épaules cuisants et de ses pieds qu’elle ne sentait plus. Elle se persuadait que rien ne pourrait l’empêcher de danser et allait toujours plus haut, toujours plus loin. Au risque de se blesser gravement, elle repoussait chaque fois ses limites. Je m’émerveillais lorsque venait son premier ballet : le Lac des Cygnes. J’imaginais les silhouettes blanches danser d’une grâce infinie, les spectateurs retenir leur souffle en voyant la belle Marina qui donnait toute son énergie dans ce ballet. J’imaginais les trente ballerines esquissant toutes les mêmes gestes, mais chacune avec son élégance propre, ses mouvements personnels. Chaque danseuse souriant au public qui pour elles représentait la vie.

    Et puis, la tristesse avait explosé en moi la première fois que ma mère m’avait lu ce qu’il advenait de Marina. Surmenée par la danse qu’elle pratiquait plus de douze heures par jour, épuisée, Marina mourait d’un trouble cardiaque. L’horreur m’avait emplie toute entière.

    « Ce n’est pas un livre pour enfants, je n’aurais pas dû te lire ça » avait dit ma mère en refermant le livre. Et elle me serrait contre elle en chantonnant ma berceuse favorite. Moi, lovée contre elle, je me demandais comment l’auteur avait pu assassiner une si magnifique héroïne. Énergique, talentueuse, jolie, et pourtant... Les larmes avaient coulé sans que je puisse les retenir. J’aimais Marina presque autant que ma maman, bien plus que Jonny, mon frère, dont la passion était de me faire pleurer. Elle était mon modèle, et bien qu’irréelle, elle était constamment près de moi à me tenir le main pour m’aider à avancer. J’aimais sa témérité, l’impression qu’elle avait de pouvoir tout affronter; mais où cela l’avait-elle conduit ? Là où tous les plus grands héros finissent. Dans un trou noir qui n’inspire aucune suite. Lorsque le héros meurt, on se remémore tout ce qu’il a accompli, et on ne cherche pas à s’imaginer son avenir.

     

    Aujourd’hui, je regarde ce livre avec nostalgie. Depuis le temps qu’il est immobile dans cette bibliothèque, délaissé, il est couvert d’une poussière qui ternit son éclat rouge. Je le déloge de son étagère, souffle dessus pour retirer la poussière et m’assois sur le rebord de la cheminée. Comme avant. Je l’ouvre précautionneusement; les images, les mots, les émotions de mon enfance, tout me saute au visage d’un seul coup. C’est bête, hein, mais les larmes me montent aux yeux. Retrouver une part de son enfance, c’est retrouver une part de soi. Et là, devant ce livre que j’ai tant chéri, je me mets à pleurer. Comme autrefois, j’effleure les robes en dentelle, replongeant dans ce rêve éveillé de me tenir aux côtés de Marina à l’Opéra de Paris. Je vois la scène derrière le rideau noir, et les sièges rouges et or, comme ce livre, qui attendent par milliers que les ballerines entrent. Je vois les danseuses qui s’étirent, qui tentent de chasser le stress en chantonnant, qui se recoiffent nerveusement.

    « Qui êtes-vous ? Que faites-vous ici ? Et quelle est cette tenue ? » Mon premier réflexe n’est pas de me demander qui vient de me parler, mais de baisser les yeux sur mes vêtements. J’avais oublié que j’étais en pyjama; j’ai pour habitude de me déshabiller dès que je rentre du lycée. Et de lire un livre au coin du feu. Aujourd’hui, c’était mon enfance, ce livre, que j’ai ouvert avec amour. D’ailleurs, où est-il ? Mes mains sont vides. Je regarde autour de moi. Un grand bonhomme moustachu, sans doute celui qui vient de me parler, s’impatiente :

    « Mademoiselle, je vous prie de sortir immédiatement ou bien j’appelle la police ! »

    Il est vêtu d’un élégant costume noir et me toise d’un air intrigué. Évidemment, il ne doit pas souvent croiser de fillette en nuisette grise dans les coulisses de son opéra. Je fais mine de m’en aller en me dirigeant vers la porte. Satisfait, il lisse sa moustache du doigt et tourne les talons. Alors je m’arrête et je contemple les deux rangées de danseuses qui me font face. Elles sont toutes vêtues de blanc et esquissent de gracieux mouvements. La Lac des Cygnes ! Cela me revient à présent. Nous sommes le jour de la représentation, celle ou Marina va faire un triomphe de beauté et de grâce. Je compte les danseuses, observe leurs visages. Aucune ne me semble être Marina. Je recule de quelques pas, pour avoir une vision d’ensemble, et me cogne contre quelqu’un.

    « Oh ! Excusez-moi ! » La jeune ballerine ne se retourne pas. Elle est très concentrée sur ses mouvements et ne m’a pas remarquée. J’observe, émerveillée, son long cou, son dos et sa nuque splendides, ses cheveux bruns relevés en chignon. Elle relève sa jambe gauche jusqu’à son épaule, la pointe du pied étirée, et lève les bras comme pour une prière, les paumes tournées vers l’extérieur. Je reste scotchée par le spectacle de la danseuse rayonnante, qui même dans la fatigue et la douleur de ses membres, semble s’envoler vers le ciel; comme un cygne. Pas un instant je ne doute de l’identité de cette femme : Marina. Cette femme dont j’ai rêvé toute ma vie, qui m’a servi de modèle pour vaincre mes limites et pousser mes efforts jusqu’au bout, est enfin à quelques centimètres de moi, plongée dans son univers, tandis que je sens sur mon visage l’air qu’elle remue de ses bras.

    « En piste dans une minute ! » crie le moustachu.

    À suivre... ^^


  • Commentaires

    1
    Dimanche 19 Octobre 2014 à 19:18

    Elle est très belle... :) 

    L'héroïne de papier ? J'ai essayé de faire un écrit sans y arriver. Le tient est magnifique, bravo.

    2
    Dimanche 19 Octobre 2014 à 19:39

    Bravooo ! super fière de toi ma lilou ! c'est génial ce que u écris ! 

    3
    Lundi 20 Octobre 2014 à 12:21

    Merciii à vous deux ! biggrin

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    4
    Samedi 1er Novembre 2014 à 18:27
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