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La fête des roses
Silence sur la fête des roses !
La fête n’aura pas lieu parce que
parce que le guerrier n’est pas à terre
parce que l’amazone se relève
et couverte de poussière
elle n’a pas encore pas encore saisi
pourquoi la fête n’aura pas lieu.Il y a une chambre et dedans,
il y a l’amazone ;
elle dort étendue sur le ventre
son nombril cerné de poils bruns
est visible maisson pubis empêtré dans les draps
dort paisiblement
il y a des palpitations.
Si elles sont imaginaires
elle ne le sait pas
elle dort et parfois elle se réveilleson ventre est lourd
il roule sur le côté
comme le ballon
comme quand enfant on joue
à mettre le ballon sous notre T-shirt
le glissement du ballon contre le T-shirt c’est ça qu’elle ressent
mais le ballon est à l’intérieur
et d’ailleurs ce n’est pas vraiment un ballon
c’est une paroi qui se décolle
ce sont des abdominaux noués
rien de plus...elle tient dans sa main
la peau de son ventre plat
elle est curieuse :
si elle se laissait dormir
dériver
juste quelques semaines
jusqu’à trop tard
le ballon gonflerait
il se tendrait, vraiment
il entraverait son sommeil
elle ne pourrait plus le tenir comme ça
il y aurait une petite chose en elle
c’est fascinant
il suffit de dormir
juste quelques semainesElle est dans son lit elle dort un peu
comme quelqu’un qui est malade
elle ne se lève que pour manger, fait la difficile
seulement de la soupe
son corps lui pèse
pourtant lui il va bien
le corps
il est content peut-être
il n’ensanglante plus sa culottela fête n’aura pas lieu
mais sur la table d’opération
avec Edith Piaf qui chante
des mots de tous les jours
elle se dit que peut-être
c’est ça la fête des roses
c’est regarder un plafond
avec des photos de bougies
souffler dans le masque à gaz
tenir la main d’une inconnue
en écoutant Piaf chanter
les jambes écartées
avec une bouillotte
et un aspirateur
un speculum
et des chaussons en plastiqueet c’est quatre femmes
c’est la fête
on voit la vie en rose
il y a de la musiqueil se passe quelque chose
hilarité
et des larmes qui ne veulent rien dire
c’est éphémère
et à la fin il y aura des croissants.Après la fête,
elle se repose trois semaines
qui paraissent trois mille ans
il y a du sang partout, tous les jours
ce n’est pas grave
c’est déroutant surtout
ni soulagement
ni tristesse
ni joie
ni intensité quelconque
ni colère
ni rien qui puisse faire penser
‘j’ai vécu quelque chose’,
juste du sang malodorant
et — voilà, la fête est finie.
Le talisman qu’elle lui a offert,
elle, cette amie qui a vu une âme à l’intérieur :
il gît sur le bureau, n’a délivré aucune force.
Finie l’immense impression du secret
qu’elle promène partoutun secret qu’elle vient d’apprendre
en décryptant des chiffres
un secret qu’elle aime répéter
parce que même sielle est née par là,
que les autres sont nés par là,
que tout le monde a commencé par là,
c’est toujours un secret au début
et après ça grandit pour devenir autre chose
une bonne nouvelle
un ‘ça tombe mal’
une bénédiction
une catastrophe écologique
une bouche à nourrir
une formalité
une famille
un non-lieu
et cetera.
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