• Lucas (avec les mots Enfant, Lumière, Pluie et Trompette ! Retrouvez-les...)

    Lucas regardait la pluie battre sur la fenêtre de la cuisine. Il soupira. Même le temps semblait vouloir le garder enfermé. Il était assis, la tête dans les mains, sur la minuscule table qui côtoyait le four. La chaleur qu’il dégageait été certes, réconfortante, mais Lucas aurait tant aimé pouvoir gambader dans les champs au lieu de terminer ses devoirs. Il griffonna quelques mots sur son cahier, puis tourna de nouveau la tête vers la fenêtre. Si Martha n’était pas postée à la porte pour l’empêcher de sortir, il aurait bien pris ses jambes à son cou, faisant fi du temps orageux et glacial. Il s’écarta de la table et se leva, à la recherche de quelque chose à manger. Mais Martha avait  condamné le réfrigirateur et le placard où étaient rangés les biscuits. Seul le placard à balais était resté ouvert. Mais Lucas n’y vit pas l’ombre d’une gaufrette ou d’un morceau de chocolat. Il soupira.
    « Martha, dit-t-il d’une voix forte, puis-je sortir ? » Il attendit quelques instants que Martha se rapproche de la porte.
    « As-tu fini tes devoirs ? dit-elle de sa voix aiguë et désagréable.
    - Non, mais...
    - Tu ne sortiras pas tant qu’ils ne seront pas terminés. » Et Lucas l’entendit s’éloigner à nouveau. Il se laissa tomber sur la chaise, furieux. Martha était sa nourrice, et il avait le droit à ce traitement chaque fois qu’elle venait, c’est à dire tous les jours, puisque ses parents n’étaient jamais là. Résigné à rester enfermé dans cette cuisine jusqu’à ce que son père rentre du travail, Lucas promena une nouvelle fois son regard dans la pièce. Si le four est chaud, pensa-t-il, c’est qu’on y a cuit quelque chose. En effet, une douce odeur de cookies flottait dans la pièce. Mais les cookies avaient disparu. Son regard continua son chemin et se posa sur le placard à balais.
    « Qui est l’imbécile, pensa-t-il agacé, qui a eu l’idée de mettre un placard à balais dans une cuisine ? » Il fouilla une nouvelle fois le placard, bien décidé à y trouver de la nourriture. Même une boîte de champignons lui irait; il avait tellement faim. Cela faisait plusieurs heures qu’il était là, et il ne parvenait pas à finir ses devoirs. Il butait sur chaque mot, et n'arrivait pas à se relire car il voyait légèrement flou. Chaque jour c’était la même chose.


    Accroupi devant le placard, Lucas se dit avec un soupir désespéré que c’était vraiment un comble d’être enfermé  dans une cuisine sans rien pouvoir manger. Deux balais, une serpillère, trois raquettes de tennis, un vase en porcelaine et un gros sac en cuir noir. Voilà ce que contenait ce fichu placard. Avec une dernière lueur d’espoir, Lucas s’empara du sac et l’ouvrit. Mais il ne contenait pas non plus de nourriture. Seulement une espèce de sculpture en cuivre, couleur or, qui étincelait. Fasciné, il sortit l’objet et le fit tourner dans ses mains. Il était long, et s’ouvrait en entonnoir aux extrémités. Un des côtés était plus petit et de couleur argenté. Lucas remarqua que cette partie pouvait s’enlever. Sur le dessus, trois gros boutons coulissaient vers le bas lorsqu’on appuyait dessus, mais rien ne se produisit lorsque Lucas le fit. L’ensemble était un assemblage de tuyaux qui partaient en tous sens. Une sorte de pince à linge était fixé au bord de l’objet. Lucas le contempla avec des yeux ronds. C’était la chose la plus étrange qu’il ait jamais vu. Amusé, il s’amusa une nouvelle fois à appuyer sur les boutons, à mettre sa tête dans l’espèce d’entonnoir pour essayer d’apercevoir l’autre bout du tuyau. Puis, il tenta de souffler dans le petit entonnoir. La première fois, rien ne se produisit, puis, au fur et à mesure que Lucas recommençait, tout en pinçant les lèvres, un son s’échappa de l’objet. Lucas fut d’abord surpris, puis il explosa de rire et recommença plusieurs fois. Il remarqua au fil des minutes que le son sortait par le grand entonnoir, et que le son changeait lorsqu’il appuyait sur les boutons. C’était magique : lui, Lucas, jouait de la musique pour la première fois de sa vie. La seule musique qu’il ait jamais entendu était les chants religieux à la messe. Il était ravi.

    NB : Lucas signifie Lumière en latin


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  • J'ai tout d'abord écrit cette très courte nouvelle pour le concours de la nouvelle Georges Sand, mais pensant qu'il ne fait pas le poids, je préfère vous le donner à lire. Un texte assez sombre, contrairement à ce que j'aime écrire d'ordinaire.

     

    À LA SURFACE DE L'EAU

     

    Catherine se souvient de cette villa au bord du lac. Elle y allait chaque week-end avec ses parents. Le soleil baignait l'eau paisible d'une lumière or. Et Catherine plongeait avec satisfaction dans cette eau glacée et se laisser aller à contempler la vallée qui l'entourait. Puis, frissonnante, elle sortait, s'enveloppait dans une serviette et s'amusait avec son père à faire des ricochets. Après une longue quête de galets plats sur la berge du lac, tous deux les lançaient contre la surface, en cassant légèrement le poignet pour que le galet fende l'air, bien à l'horizontale. Et chaque fois, le galet de Catherine était celui qui allait le plus loin. Son père s'indignait en riant, curieux de connaître son astuce. Et Catherine souriait de toutes ses dents. C'était... le bonheur. Tout simplement.

    Mais c'est quand on perd quelque chose qu'on se rend vraiment compte de sa valeur. Aujourd'hui, Catherine arrive à la villa et admire la vallée, nostalgie ancrée dans le cœur. L'endroit n'a pas changé, mais rien ne sera plus jamais pareil.

    La maison est vide. Une énorme couche de poussière recouvre chaque meuble. Sur la table du fond, une photo entourée de bougies éteintes attend dans l'ombre. Catherine l'effleure, le cœur gros. Puis se détourne. Elle s'avance vers le lac. Les galets plats sont toujours là, l'eau dorée également. Catherine met un pied dans l'eau. Éclate en sanglots. Elle plonge la tête la première, se laisse porter par l'eau, admire le ciel qui allume quelques étoiles rien que pour elle. Elle a retrouvé le lieu qui a bercé son enfance, elle ne veut pas être si triste. Mais si c'était aussi simple...

     

    Catherine a mis du temps à se souvenir du trajet jusqu'à sa villa. Ses parents et elle y allaient toujours tous les trois, en voiture. Mais Catherine ne pouvait pas aller leur demander de l'y amener. Elle n'était même pas sûre qu'ils l'auraient écoutée. Alors, ayant du temps à perdre, elle est partie à pied. Sur les routes. Elle a tenté l'auto-stop, mais tous l'ont ignorée. Elle ne compte plus les larmes qui ont accompagné son voyage. Elle a tellement pleuré qu'elle n'est pas sûre de pouvoir verser une larme à nouveau un jour.

    Au bout d'une semaine de marche, elle est enfin arrivée à la villa. Et maintenant elle est là, assise sur la berge après s'être abreuvée de l'eau limpide, une boule de désespoir dans la gorge. Elle ne sait plus que faire, ni où aller. Elle n'a plus personne, elle n'a plus rien.

    Un, deux, trois, quatre... vingt rebonds ! Catherine se souvient de ce ricochet. C'était le plus beau qu'elle ait jamais fait. Chaque impact de la pierre avec la surface de l'eau y laissait des ondes circulaires qui se répandaient tout autour pour ensuite disparaître. Là, tournée vers cette eau qu'elle regarde pensivement, Catherine se dit que sa vie ressemble au trajet de son petit galet sur l'eau. Il avance, puis rebondit, encore et encore, et coule d'un seul coup. Pour la pierre comme pour Catherine, cette fin tragique est due à l'attraction terrestre.

     

    Catherine tente d'attraper un galet. Mais il ne bouge pas. Elle soupire, tente une nouvelle fois, en vain. Depuis que cet avion dans lequel elle se trouvait s'est crashé, Catherine erre, à la recherche du repos, et sa mort cruelle veut qu'elle demeure à jamais dans le lieu qui fut autrefois sa source de bonheur. 


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  • Accaparée par un mal invisible
    Qui semble habiter une âme ultrasensible
    À l’aube d’une renaissance je croise les états d’âme
    L’adolescence m’enserre tandis que j’éclos femme
    Je tente de vivre au présent sans souci d’avenir
    Afin de voir marcher vers moi l’adulte en devenir
    J’appréhende ma vie simplement par principe
    Les craintes d’une misère que lentement je dissipe
    Si devenir adulte est un errance permanente
    Une absence de jouissances et un sentiment d’attente
    Si devenir adulte est un merveilleux calvaire
    Je suis heureuse alors d’être née sur cette terre.
    Le mauvais comme le bon est toujours un délice
    Je suis un oiseau libre délivré du supplice
    L’adolescence est une mer agitée d’ondulations incertaines
    Un jour la dépression me guette et parfois elle m’enchaîne
    Un jour le bonheur se déverse en moi comme un torrent de passion
    Les jouissances reviennent, les amours se font
    Tant que de ma bulle je suis immunisée
    Aux misères du monde, je vis libérée.


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  • Texte inspiré de la citation : " Toute sa personne explique la pension, comme la pension explique sa personne. "

    Martin trébucha en entrant dans le petit local : un gros carton faisait obstacle, ainsi qu’un autre, un mètre plus loin, et un autre encore. Ils s’étalaient dans la pièce comme un essaim de gros insectes gris, et contenaient des kilos de papier blanc. Du moins, blanc, c’est ce qu’il fut auparavant, pensa Martin en empoignant une feuille. Elle était entièrement recouverte d’une écriture en patte de mouche, illisible, si bien qu’on aurait dit que la feuille avait entièrement été peinte en noir. Martin la reposa soigneusement dans le carton et scruta la pièce à la recherche de sa soeur. Alice était sûrement sortie s’acheter à manger. Il décida de l’attendre et s’assit sur son lit, le seul coin ordonné de la pièce. Les draps étaient soigneusement pliés et le matelas était impeccable. Cependant, une légère couche de poussière sur le lit apprit à Martin qu’Alice n’avait pas dormi dedans depuis un bout de temps. Des jours, voire des semaines ? Il ne la surveillait pas assez. Elle était de trois ans son aînée, et pourtant il devait constamment se tenir derrière elle pour la remettre sur pied. Pour Martin, c’était simplement une gamine qui avait mal grandi.
    La pièce sentait le renfermé et une odeur nauséabonde de vieille transpiration. La chaise du bureau était zébrée d’empreintes brunes et Martin préféra les ignorer plutôt que d’imaginer ce que cela pouvait être. Il s’approcha de la fenêtre pour aérer la pièce, en essayant de ne pas trébucher sur les cartons qui lui barraient le chemin. Mais il ne vit pas celui qui était à moitié dissimulé sous le fauteuil en cuir et s’étala de tout son long au sol. La tête contre le plancher poussiéreux, il remarqua une pile de vêtements roulés en boule sous le lit. Son nez le piquait fortement. C’était cette pile de vêtements qui dégageait cette horrible odeur. Il les empoigna avec dégoût et les jeta dans la machine à laver qui trônait juste à côté du lit. Puis, essayant toujours d’atteindre la fenêtre, il remarqua les nombreuses photos qui étaient tombées du carton. Il fronça les sourcils lorsqu’il reconnut l’homme qui y figurait : Jones. L’idole d’Alice. Ce chanteur qu’il maudissait pour avoir rendu sa soeur complètement dingue. Il ramassa chaque photo avec une grimace et les jeta dans la boîte, puis la remit en place. Il ne voulait pas voir son visage souriant et mystérieux, celui qui faisait tomber chaque femme depuis qu’il était venu au monde. Si seulement la Alice naïve et heureuse, simple et amoureuse, n’avait pas croisé le chemin de ce rockeur qui n’apportait que le mal autour de lui. Folle de lui, Alice s’était enfermée dans la solitude, puisqu’elle n’avait aucun moyen d’atteindre Jones. Alors elle s’était mis en tête d’écrire ce roman. Ce roman qui illustrerait à la perfection la vie du rockeur, qui l’honorerait tel le dieu qu’elle pensait qu’il était. Ce roman qui lui avait fait perdre la raison l’avait conduite à cette débauche que son petit local illustrait parfaitement. Martin soupira en ouvrant la fenêtre. L’air frais qui s’engouffra dans la pièce le soulagea intensément. Depuis les vingt minutes qu’il était là, il se sentait étouffé, écrasé, vide. Ce lieu lui-même reflétait les profondeurs de l’âme de sa soeur, et cela l’effrayait. Il se demandait à quoi elle ressemblait aujourd’hui, depuis les nombreux mois qui avaient suivi leur dispute.

    « Ah, t’es là ? » entendit-il soudain dans son dos. Il se retourna. Une femme habillée en survêtement de sport se tenait face à lui. Elle paraissait avoir du mal à tenir debout, et d’énormes cernes mangeaient son visage blanc. Ses cheveux étaient répartis en plusieurs gros noeuds qui les maintenaient en place, malgré les frisottis rebelles qui partaient en pic vers le haut. Elle s’affala sur le fauteuil et se pencha vers Martin pour l’embrasser. Il fronça le nez. Elle empestait la sueur et cette odeur indéfinissable que porte quelqu’un qui ne se lave pas. Il recula. « Alice... Qu’est-ce qui t’arrive ? » Elle ne sentait pas l’alcool. D’ailleurs, sa manière de bouger et de se tenir assise ne laissaient pas trahir qu’elle se soit soûlée. Alors quoi ? Tout ceci n’était dû qu’à la folie ? Martin tenta tout de même de la tester :
    - J’ai combien de doigts, là ? demanda-t-il posément.
    - Bah deux, tu me prends pour une conne ?
    Cette réplique le cloua sur place : elle n’était pas soûle. Mais alors, elle était réellement folle ? Il ne reconnaissait plus la Alice qui avait partagé son enfance, la Alice maniaque chez qui la poussière était proscrite, la Alice intelligente avec qui il parlait de tout et de rien, la Alice élégante qui attirait les regards chaque fois qu’elle sortait dans la rue.
    Il n’y avait plus que folie, crasse et désespoir. Alice ouvrit le paquet qui contenait son déjeuner. Une odeur de fast food s’en échappa et Martin toussa. Cette odeur ne s’alliait pas très bien avec celle que dégageaient Alice et son local.
    « Je vais aller t’acheter quelque chose de plus sain » dit-il. Avant qu’elle ait pu répondre, il se leva, attrapa ses clés de voiture et claqua la porte.
    Que devrait-il faire cette fois-ci pour retrouver la Alice d’autrefois ?


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  • Si j'étais une ville, je serais Macchu Picchu;
    Pour sa grandeur, sa liberté et son histoire un peu floue.
    Si j'étais une série, je serais Merlin;
    Car elle reflète le fait qu'être différent est humain.
    Si j'étais un aliment, je serais le sucre;
    Pour être vitale, simplement, sans l'once d'idée de lucre.
    Si j'étais un roman, je serais Thérèse Raquin;
    Pour ses profondes angoisses et ses tempéraments sanguins.
    Si j'étais un métier, je serais un artiste.
    Pour l'illumination en laquelle le métier consiste.
    Si j'étais une fleur, je serais un coquelicot;
    Pour la délicatesse et la prestance de ce joyau.
    Si j'étais un objet, je serais une porte;
    Pour observer les passages, et tout ce qu'ils m'apportent.
    Si j'étais un oiseau, je serai un aigle;
    Pour vivre ma liberté, dans le regard, un air espiègle.
    Si j'étais un arbre, je serais un chêne;
    Car la simplicité jamais ne nous enchaîne.
    Si j'étais un pays, je serais le Japon
    Pour tous mes rêves, toutes mes convictions.
    Si j'étais un poème, je serai celui-ci;
    Car il reflète les signaux de désespoir de toute une vie.

     


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