• Votre roman est désormais achevé ! Vous l'avez travaillé et retravaillé, tourné dans tous les sens et corrigé jusqu'à la moindre syllabe, il est fin prêt à entrer dans l'histoire. L'avez-vous fait lire comme je vous l'ai conseillé ? Quelles ont été les impressions de vos lecteurs ?

    Si vous n'avez eu que des réponses positives, tant mieux mais vous n'allez pas vous arrêter là. Tournez-vous vers des férus de littérature au sens critique aiguisé, qui ne feront qu'enrichir votre oeuvre de leurs critiques. Si eux aussi aiment votre livre, c'est qu'il est prêt à être édité.


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  • Bonjour à tous ! Cet article ne fait pas partie de la "boucle des huit " (les étapes du roman). Non non, cet article vous permettra de mettre toutes vos chances de votre côté pour que vos manuscrits intéressent les éditeurs. Et pour cela, il faut vous faire connaître. Comment ? Trois solutions :

    1. Ouvrez un blog où régulièrement vous postez quelques uns de vos écrits, et faites de la pub, invitez vos amis et votre famille. Si votre blog se créé une petite réputation, il y a de petites chances pour que votre nom effleure l'oreille d'un éditeur.

    2. Participez à des concours ! Cela vous sera bénéfique sur deux points : vous progresserez de plus en plus vite, grâce au désir d'écrire le meilleur texte et à la limite de temps fixé, et vous vous ferez votre réputation. Si vous gagnez ces concours, tant mieux, bravo, vous êtes sous les projecteurs. Un très bon début dans le métier. Si vous les perdez, ne vous inquiétez pas, recommencez, relevez-vous, et votre acharnement sera remarqué un jour.

    3. Créer une page Facebook ! ;)

    Bonne chance et bonne entrée dans le "grand monde" !


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  • « Au cours d’une visite au musée, tu te trouves mystérieusement happé par l’oeuvre que tu contemples. Cette dernière va t’emmener au coeur de son histoire...»

    Il était 18h. Le soleil se couchait, et le musée se teintait d’or, tandis que les derniers rayons venaient caresser ma peau. Ce n’était pas la première fois que je visitais la Galerie des Offices de Florence. Dans ma famille, c’était un rituel de déambuler chaque premier dimanche du mois dans ses couloirs. Car chaque mois, on redécouvrait un tableau, au fond d’une salle. On remarquait un détail, une sculpture sans nez, un animal insolite peint en arrière plan. Ce musée m’était familier, et, féru de peinture,  j’appréciais ces visites.
    La fermeture était proche. Je m’attardais devant les tableaux, contemplant les courbes, les aplats. Lorsque inconsciemment je me retrouvai devant La naissance de Vénus. Ce tableau était mon préféré, non pas à cause de son succès, mais parce que j’étais passionné de mythologie et me nourrissais des mythes ainsi que de ce qu’ils nous apportaient aujourd’hui. Au fond de moi je m’étais toujours imaginé Vénus, la belle, la plus parfaite de toutes. Ce tableau était une fidèle représentation de mes rêves, avec les courbes exquises de la déesse et son visage confus, ses longs cheveux bouclés et son teint d’un blanc pur. Elle sortait des eaux doucement, portée par une immense conque. Les plis des tissus eux aussi me fascinaient. À leurs formes on sentait le vent, comme s’il était là, ce Zéphyr venant de l’ouest du tableau, qui faisait voler les cheveux de Vénus et le voile de l’ Heure qui tentait de l’en couvrir.
    Je m’apprêtais à repartir, à murmurer À bientôt à ce tableau dont je sentais le sens caché, mais quelque chose me retenait. J’étais comme paralysé sur place, mes yeux ne voulaient plus se détourner du visage de Vénus. Ses yeux... Ses yeux me semblèrent tout à coup si proches, ses cheveux si réels, que je vacillai. Puis je tombais en avant, soudain épuisé. Je m’apprêtais à ressentir le froid dur du sol de marbre, mais c’est un tapis d’herbe qui me reçut. J’avais fermé les yeux, le temps d’un instant. Une lumière dorée m’éblouit lorsque je levai les paupières. Des chants d’oiseaux me parvenaient, des bruissements de vagues qui se brisaient sur une étroite plage d’herbe.
    La lumière venait d’une clairière bordée de petits arbres au feuillage foncé. Le Soleil était immense, éclatant de mille feux. Il semblait presque vivant et j’eus un mouvement de recul. Mon coeur battait à rythme rapide et saccadé, comme le galop d’un cheval. J’avais ce sentiment brumeux du semi réveil, lorsque l’on s’éveille sans envie de quitter les bras de Morphée. Malgré la magnificence du paysage qui m’entourait, c’était un paysage inconnu. La peur commençait à me tirailler tandis que je reprenais conscience : j’avais littéralement été avalé par le tableau.
    Je me dressais sur mon séant. Mon blouson de cuir et mon jean taille basse avaient cédé leur place à une longue toge bleue; je me sentais dénudé et efféminé. Je me levai doucement, le souffle court, le coeur battant, cherchant une porte, une sortie. Rien. Je me sentis las et impuissant, face à ces forces magiques que jusqu’alors je ne connaissais que dans mes livres d’enfant. Jamais je ne m’étais imaginé cette situation, et voilà que, ébahi, je me trouvais à Cythère, plus de cinq mille ans dans le passé. J’avais toujours rêvé de visiter la Grèce, et ô comble de merveilles j’y étais enfin, malgré l’originalité du contexte.

    Une fois totalement remis de mon voyage, je réalisai qu’en me retournant, je découvrirais Vénus debout sur un coquillage, avec à sa droite Zéphyr et Chloris enlacés. Ému, frissonnant de soif de danger, je tournai la tête. Je ne vis pas tout de suite Vénus, car une immense aile d’ange passa délicatement devant moi, et je ne pus m’empêcher de la contempler. Elle était noire, comme celle d’un corbeau, et était rattachée au flan gauche de Zéphyr. Le dieu avait de longs cheveux crépus qui se confondaient avec ses ailes. Il portait une toge semblable à la mienne, et soufflait en ma direction, faisant voler les feuilles et le tissu qui me couvrait. Dans ses bras il tenait sa femme, Chloris, dont les cheveux blonds vénitien volaient dans le sens contraire au vent.
    Zéphyr écarta son aile. Mes yeux semblèrent fondre sur place lorsque je découvris Vénus. Elle n’était en rien semblable au tableau de Botticelli, sauf peut-être l’éclat doré de ses cheveux et sa peau couleur de lait. Cependant, la femme qui me faisait face dégageait une beauté sauvage, naturelle. Ses cheveux rebelles et emmêlés fouettaient son visage fin, presque osseux au niveau du menton. Son regard était doux, malgré la couleur d’acier de ses yeux en forme de gouttes d’eau. Ses formes étaient divines. Elle avait un corps élancé, musclé, délicat et à la fois robuste. Mais son physique n’était certainement pas sa beauté même. Elle souriait joyeusement, comme un nouveau-né découvrant le jour. Ses mouvements étaient doux et posés. Elle paraissait rayonner de l’intérieur, comme si un rayon de soleil l’habitait. Des fleurs de myrte dansaient dans le vent, formant autour de la déesse une frêle auréole de blancheur.
    Elle semblait sortie de l’écume, pourtant elle était entièrement sèche. Les vagues étaient vivantes et poussaient la conque en direction de la berge.
    Vénus me dévisageait paisiblement, me rendant mon regard curieux, et c’est ensemble que nous nous rendirent compte qu’elle était entièrement nue. Avec une pudeur feinte, elle posa délicatement ses mains sur ses parties intimes, tandis que je tournai la tête, confus de mon impudence. L’Heure,  que je n’avais encore pas remarqué, s’élança vers Vénus pour la couvrir d’un drap de soie rouge. C’est une fois vêtue que la déesse mit pied à terre et me regarda droit dans les yeux. Son regard me berçait, comme des vagues, il reflétait l’océan. Elle prit la parole doucement, d’une voix forte et suave :
    « Que viens-tu faire ici ? Et qui es-tu pour me dévisager ainsi ? » Elle fronçait légèrement les sourcils, et cette colère elle aussi feinte m’attendrit. Je m’apprêtais à répondre lorsque Zéphyr se manifesta. «  Ô Vénus, cet homme est un dieu venu de loin. déclara-t-il d’une voix douce et aérienne, semblable à un murmure. Il est ici pour vous accueillir, votre grâce. » Je tentai de protester mais Vénus me coupa : « Quel est ton nom ? »
    Je réfléchis un instant. Tout tournait en moi, la beauté éclatante de Vénus, mon arrivée dans le tableau, tout semblait si fou, que je ne pouvais me concentrer pleinement. Un seul nom me vint à l’esprit : « Mars. » déclarai-je d’une voix rauque. Ce n’était finalement pas une mauvaise idée, car lorsque la déesse me demanda ma fonction, mes compétences en arts martiaux me permirent de répondre sans ciller : « Je suis le dieu de la guerre, votre grâce. » Vénus me dévisagea. Puis me fit signe de la suivre en direction d’un char caché à l’ombre des arbres.
    Il était de bois peint, d’un beau rouge pâle assorti avec la robe de Vénus. Les chevaux s’ébrouèrent, et une fois la déesse et moi confortablement assis, il s’élancèrent dans le ciel. Je ne sais par quelle magie ils volaient, la magie divine certainement. Nous survolâmes mers et terres, villages et ravins. Je me sentais fort, aux côtés de cette femme merveilleuse dont les cheveux dans le vent me caressaient le visage. Plus rien ne comptait plus, hormis le parfum de sel qu’exhalait la déesse. Un parfum envoûtant, qui me montait à la tête, et me persuadait de tout accomplir pour elle. J’étais conscient que c’était l’effet désiré, que n’importe quel homme tombait sous le charme de Vénus, mais je ne pouvais détacher mes yeux de ses lèvres pulpeuses en forme de coeur.
    À mesure que nous approchions de l’Olympe, la lumière se faisait de plus en plus étincelante. Nous dominions la Grèce entière. Les chevaux galopaient sur le vent, semblaient chevaucher sur des pensées invisibles, des pensées qui nous poussaient à nous élever. Les portes de l’Olympe nous tendaient les bras et nous y fîmes une entrée majestueuse. Vénus avait une façon de se tenir qui me fascinait. Sa posture était droite, ses mouvements étaient lents, mais une certaine vivacité s’exprimait par ses rapides inclinaisons de la tête. Elle remit ses cheveux en place sur son épaule gauche. Une fleur de myrte était restée accrochée sur une mèche dorée. J’eus un instant de doute, puis pris mon courage à deux mains et attrapai méticuleusement la petite fleur. Vénus se retourna, souriante. « Tu es plus romantique que tu en as l’air. » susurra-t-elle. Je la saluai respectueusement et lui tendis la fleur. Elle la posa contre sa poitrine. Mon coeur battait la chamade. Ses doigts avaient effleuré les miens, et j’avais le sentiment que jamais ils ne retrouveraient une température normale. Ce que j’éprouvais était tellement fort, tellement subtil, tellement.. inhabituel. Jamais une femme ne m’avait fait cet effet-là.

    Un mois passa. Je logeais à l’Olympe, avec Vénus. Les premières semaines, la déesse n’avait pas répondu pleinement à mes avances. Elle jouait à chat avec mes sentiments. Son corps se mouvait avec sensualité lorsqu’elle passait près de moi, et lorsqu’elle me parlait, elle passait tout près de moi en murmurant à mon oreille. Mais chaque fois, lorsque je tentais de lui prendre la main, elle se dérobait.
    Mon amour m’avait fait tout oublier. Ma famille, ma vie réelle. J’étais devenu un dieu grec, et je me sentais à ma place. Les dieux m’acceptaient et me respectaient. J’avais rencontré avec excitation Jupiter, Apollon, Minerve, et tous les autres. J’admirais la puissante carrure du roi des dieux, les traits parfaits d’Apollon, la sagesse posée de Minerve. Je me méfiais de Junon, à cause des mythes qui n’en font point l’éloge. Je suivais Vénus partout où elle allait, littéralement envoûté. Cette femme était terriblement, insupportablement attirante. Sa vue plus captivante que le chant d’une sirène.

    C’était un amour qui envahissait tout. Un amour dévastateur. Un amour passionné, enflammé. Lorsque je la voyais, je tombais presque à genoux. Son regard me transperçait. Finalement, je n’étais pas prisonnier du tableau, mais de Vénus elle-même. Elle me retenait. Lorsqu’elle n’était pas là, que j’étais seul enfermé dans mes appartements, je me libérais quelque peu de son emprise pour remettre mes idées en ordre. Je pensais fuir cet envoûtement, mais lorsque je sortais elle était là, à m’attendre. Elle savait qui j’étais, c’était évident. Je pensais aller trouver Athéna, déesse de la sagesse, pour qu’elle me vienne en aide. Mais Vénus guettait le moindre de mes gestes, passant avec volupté ses mains sur ses hanches. Ah comme la nature humaine est influençable ! En ces moments je n’avais d’yeux que pour elle. Mon esprit se noyait dans mon amour.

    J’eus l’idée d’appeler Zéphyr à mon secours. Je ne sais d’où lui était venu l’idée que j’étais un dieu, mais il savait certainement d’où je venais, et il était mon seul espoir d’un jour revivre pleinement. « Ô Zéphyr ! criai-je dans le vent. Viens à mon aide ! » Le dieu ne tarda pas à arriver. De grandes ailes noires masquèrent un instant le soleil puis il se posa devant moi. Je me rappelai l’épopée d’Ulysse face aux sirènes et lui demandais de me ligoter avec des cordes et de m’emmener loin de ce monstre merveilleux.
    Nous nous envolâmes lentement. D’une fenêtre, Vénus m’appelait. Des larmes de désespoir roulaient sur mes joues. Je ne sais si je criais, si je tentais de cacher mes larmes. Mais mon coeur semblait se briser. Vénus lança la fleur de myrte dans le ciel, que j’attrapai au vol. Zéphyr me tenait dans ses bras vigoureux tandis que nous déchirions le ciel. Il me lâcha, et je tombai dans un vide infini.
    Ma chute dura une éternité. Le vent me fouettait de tous côtés. Je tenais la petite fleur serrée contre ma poitrine. Avec l’impact du sol, je sursautai. J’étais couché sur mon lit, les bras croisés, tel un mort. Je crus un bref instant que tout ceci n’avait été qu’un rêve, que pure illusion. Mais la fleur de myrte se tenait majestueusement contre mon torse.
    « Adieu Vénus » murmurai-je. Ma vie pouvait reprendre doucement son cours, avec seuls de vagues souvenirs d’une femme parfaite, divine, que je ne reverrais plus jamais.

     


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  • L'hiver, cette saison de silence froid, mais aussi d'attente féconde.

    Stefan Satrenkyi


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  • Prologue


    En 2055, les uGlass, lunettes à réalité augmentée, sont le produit le plus vendu au monde. Leur créateur, Arthur Tone, directeur de la société Pear, croule sous l’argent grâce au succès de ses lunettes. Tout le monde les adore, elles ont remplacé l’ordinateur ainsi que le portable. La population mondiale tout entière est conditionnée aux uGlass. Cependant, quelques personnes résistent à cette technologie. Ils prétendent que les uGlass abrutissent tout le monde et que l’humanité court à sa perte. Mais personne ne les écoute, pourquoi ? Dans ce monde futuriste, quelques personnes saines d’esprit essayent de survivre. Suivons la longue épopée de Zazou, entièrement opposée aux uGlass, qui tente de se faire entendre.

    Chapitre 1

    Zazou gara son vélo contre la petite barrière bleue du square. Comme chaque samedi, elle se rendait au rassemblement d’une trentaine d’ados normaux, « uGlass addicts » comme les surnommait Zazou en son for intérieur. Tous assis dans l’herbe, ils jouaient à des jeux vidéos, parlaient, mangeaient, prenaient des photos. Normalement, les gens comme Zazou n’étaient pas conviés à ce genre de fêtes. Avoir des amis, ce n’était pas pour les MUSHY.
    S’il n’y avait pas eu Lena.

    Zazou l’avait rencontrée trois ans plus tôt, à la sortie du métro. C’était un soir de printemps, il faisait chaud; le train était plein à craquer. Elle avait pour habitude de sauter sur le quai à l’arrêt du train, d’un pas souple et léger. Elle n’avait pas d’amies, et s’inventait donc des petites habitudes qui l’amusaient. Sauter du train lui permettait d’une certaine manière de « s’expulser » de la foule de gens normaux qui, à travers le plastique bleu des lunettes, l’observaient d’un oeil mauvais. Mais cette fois elle avait raté son coup et s’était écrasée contre quelqu’un. C’était une jolie fille, grande et mince, avec des cheveux noirs plein de boucles. Sans ses lunettes, elle aurait été magnifique. Étalée par terre, Zazou la contemplait. Puis elle s’était rendue compte qu’elle ne portait pas ses uGlass. Elle s’était caché le visage des mains, attendant les larmes aux yeux de se faire couvrir d’insultes et de coups. Les réactions face aux MUSHY étaient excessives. Les gens se défoulaient sur eux, les nuls, les idiots qui ne comprenaient rien. Tout cela parce qu’ils pensaient différemment. « Pitié » chuchotait-elle. La fille aux cheveux noirs avaient esquissé un sourire attendri et l’avait relevée. « Je ne vais pas te frapper, ne t’inquiète pas.» Elle riait amèrement. Zazou avait enlevé ses mains et laissé apparaître un visage couvert de larmes.
    C’était la première fois qu’une personne normale lui parlait comme cela, d’une voix si douce, si pleine de bonnes intentions. Même sa mère lui rappelait chaque jour qu’elle était demeurée en saccadant bien ses mots lorsqu’elle lui parlait.
    « Je m’appelle Lena » avait dit la fille en essuyant les joues de Zazou du dos de sa main. « Zazou...» avait répondu cette dernière. Lena avait souri une nouvelle fois.
    « Je ne t’en veux pas de m’avoir bousculée, Zazou.
    - C’est vrai ? » Les yeux verts de Zazou avaient retrouvé un peu de leur pétillement. Bien qu’elle vive dans une angoisse et un mal-être constant, Zazou avait toujours les yeux pétillants. Des yeux profonds et intelligents. Mais cela, elle ne s’en doutait pas, car tout le monde lui affirmait qu’elle était idiote.

    Depuis ce jour, Lena était celle qui la défendait et la protégeait. Une amie, c’était ce dont Zazou avait toujours rêvé. Lena était d’une tendresse infinie envers tout le monde. Elle avait une voix très douce, qui réchauffait le coeur. Mais Zazou sentait tout de même un décalage entre elles deux. Lena était comme les autres, une uGlass Addict. Même si elle trouvait les mots pour parler à Zazou et la réconforter, elle passait son temps ses lunettes sur le nez, à concourir à la popularité. Elle était souvent exaspérée lorsque Zazou refusait de porter ses lunettes durant la fête du samedi, ou quand elle persistait à dire que les uGlass étaient mauvaises. Zazou savait que si elle acceptait de porter ses lunettes, elle serait traitée comme une personne normale. Elle aurait plein d’amis, vivrait heureuse et sans peurs. Mais les uGlass la révoltaient. Avant leur arrivée, la technologie était en progrès constant et les hommes vivaient heureux dans une intelligence presque commune. Ils inventaient chaque jour de nouvelles choses, dans la protection de l’environnement (les voitures à énergie solaire, les parcs naturels partout dans le monde dans lesquels vivaient toutes les espèces d’animaux) ainsi que dans la communication et le partage de données (oreillettes pour téléphones incrustés dans n’importe quel accessoire, une reprogrammation entière du Web). Les ressources de la Terre ne s’épuisaient plus et la science progressait. On aurait pu appeler cela la Grande Révolution Scientifique. Mais cet homme, Arthur Tone, était arrivé et avait fait sombrer toutes ces technologies en inventant les uGlass. Bien sûr, ce genre de lunettes existait déjà. Mais en petit nombre et avec des fonctionnalités réduites. Milliardaire, Arthur Tone avait racheté la société Pear et combiné toutes les technologies possibles et imaginables dans une petite paire de lunettes, inventant à la fois un objet révolutionnaire et un «bouffe-neurones».  Tout le monde adorait les lunettes. Elle servait à tout. Internet, visioconférence, GPS, téléphone, messagerie, appareil photo, lampe torche, écran de jeux...etc. Plus de 10 000 applications avaient été créées pour ces lunettes. Elles captaient le réseau partout, même 1 km sous terre. Tout le monde s’en servait, et tous en étaient contents. Sauf les MUSHY. Mal-adjusted to UGlass System Human. Littéralement : Humain inadapté au système uGlass. C’était principalement des enfants, car une fois adulte on se résignait à porter les uGlass, indispensables à n’importe quel travail. Les MUSHY haïssaient ces lunettes. Tout d’abord car ils ne les supportaient pas sur leurs yeux. Ceux-ci étaient sensibles et la proximité d’un écran donnaient un mal de crâne affreux. À force de ne pas porter les uGlass, les MUSHY se rendaient compte qu’elles pourrissaient entièrement le cerveau, comme une drogue, elle emprisonnaient tout le monde. Les uGlass servaient à tout, elles étaient donc utilisées partout et tout le temps. Résultat, à force de regarder cet écran, elles montaient à la tête des gens et ils devenaient stupides. Mais malheureusement, tout avait été prévu pour que ce soit les MUSHY les idiots. Le monde à l’envers. Les rares personnes saines d’esprit se faisaient toute leur vie insulter et remettre à leur place. On leur faisait suivre des psychologues et des cours particuliers. Ils étaient différents, donc dangereux pour la société. Ainsi, beaucoup de MUSHY se résignaient à devenir comme tout le monde et porter les uGlass. Les autres passaient une vie de souffrance, refusés dans les entretiens d’embauche, errants tels des fantômes, mal-aimés.
    Zazou était une MUSHY. Elle comme les autres souffrait de cela. Elle avait honte, mais elle voulait affirmer son opinion sur les uGlass, que quelqu’un l’écoute. Elle avait une amie, certes, mais elle ne l’écoutait pas. Elle était seule dans ce vaste monde rempli de uGlass Addicts.

    De grands panneaux publicitaires étaient affichés partout pour présenter le dernier modèle des uGlass. En bas de chaque panneau, ce slogan ridicule vantant l’entreprise qui fabriquait les uGlass : « Everybody is Pear » Jeu de mot ou pas, ce slogan disait vrai. Ces affiches faisaient rire Zazou. Après tout, pourquoi pas ? Laisser l’humanité se dégrader ainsi et s’en moquer de la sorte, pourquoi pas ? Mais que l’on arrête de la persécuter. Elle n’avait rien fait de mal, elle voulait simplement vivre. Vivre dans un monde réel, sans contrefaçon, sans uGlass.
    Elle entra dans le parc. Lena discutait avec quatre filles qu’elle ne connaissait pas. C’était toujours comme cela : Lena faisait de nouvelles rencontres et Zazou restait à côté de son amie, comme un poids, une intruse. Elle savait que cet endroit n’était pas sa place. Cependant elle ne voulait pour rien au monde perdre sa seule amie, même si avec elle elle ne partageait rien.
    Zazou s’assit à quelques mètres de Lena et contempla le parc. Il faisait très beau, pour un après-midi d’automne. Après plusieurs semaines de pluie, le soleil avait enfin recommencé à briller, et il éclairait désormais les trente adolescents regroupés dans le parc. Dix environ jouaient aux mimes. Ce jeu était redevenu à la mode depuis quelque temps, après la sortie de la nouvelle application : elle recherchait des noms dans nos contacts, puis en proposait un au propriétaire des uGlass. Cette personne devait mimer et les autres deviner. Quelques mètres plus loin, cinq garçons étaient allongés dans l’herbe, les bras en l’air, un volant imaginaire entre les mains. Sûrement un jeu de course, pensa Zazou. Ce spectacle lui était offert chaque semaine, et pourtant elle le trouvait chaque fois tout aussi ridicule que la précédente. Pourtant, cela ne paraissait déranger personne.
    Lena l’aperçut enfin : « Zazou ! cria-t-elle en lui faisant un signe. Viens ! »
    Elle s’approcha du groupe de filles. Toutes les cinq étaient assises en cercle autour d’un paquet de sucreries dans lequel elles piochaient volontiers en riant et papotant. Lorsque Zazou s’assit à côté de Lena, le silence se fit. Zazou regarda son amie d’un air désespéré. Celle-ci lui ordonna silencieusement de mettre ses lunettes. Lorsque le plastique se scotcha à sa peau, Zazou tressaillit.
    « T’as raison, lui lança une fille, moi aussi j’aime bien les enlever de temps en temps pour admirer le paysage. » Toutes les quatre se mirent à ricaner. Lena resta neutre.
    Zazou voulait disparaître derrière son écran. Elle avait l’habitude de ce genre de railleries, et celles-là étaient les moins blessantes, mais venant des amies de Lena, qui ne la défendaient pas, cela lui pesait sur le coeur.
    Après moult allusions de plus en plus cruelles à sa classe sociale, les filles recommencèrent à discuter comme si elle n’existait pas. Elles parlaient de l’application LOVE.  Elle permettait de classer les garçons selon notre ordre de préférence, selon qu’il était sympa, beau, musclé. Les photos accompagnées des noms s’affichaient en colonne, à côté des petites étoiles estimant tel caractère de 0 à 5. Lena et ses amies avaient mis en commun les listes, ainsi elles pouvaient comparer leurs goûts. « Moi, déclara Lena, c’est Brad que je préfère. Il a vingt petites copines en même temps, mais il embrasse super bien et il est beau comme un dieu. 5 étoiles en tout. » Le coeur de Zazou bondit en entendant le nom de Brad. C’était le garçon le plus populaire de la ville, car il était magnifique et super sympa. Il enlevait parfois ses lunettes pour parler aux gens, ou les relevait de temps en temps pour soulager ses yeux. Bien qu’il fasse partie des uGlass Addicts, Zazou était certaine que c’était un MUSHY dans le fond. Elle ne le fréquentait pas beaucoup, mais étant l’ex de Lena, elle l’avait assez vu pour en tomber amoureuse.


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