•  Cette nouvelle a été écrite à l'occasion du concours de nouvelles Mauves en Noir qui avait pour thème la RN13.

    Crash 

    18 octobre

     

    La tête posée sur mes genoux, enfermée dans le petit local de garde-à-vue de Neuilly-sur-Seine, je me remémore les événements de ces trois derniers jours. J'en ai connu de meilleurs, ça c'est certain. On dirait que tous les malheurs du monde me sont tombés dessus comme ça, sans prévenir, pour me punir d'une faute que je n'ai pas commise. C'est vrai quoi, je n'avais pas bu depuis plus de trois mois. Mais perdre mon boulot, ça, c'était suffisant pour me remettre à boire. C'était un petit boulot de caissière au supermarché du coin, mais pour moi c'était tout ce que j'avais. Du moins je le pensais. Jusqu'à ce que cette histoire ne commence.

     

    15 octobre, 18:30

     

    Mon patron vient de me virer sous prétexte que je suis alcoolique. Pourtant, je ne bois plus. Jusqu'à aujourd'hui. Mon licenciement m'a anéantie. Alors je pousse la porte du café de la rue et je me soûle jusqu'à la nuit noire, puis rentre chez moi en chancelant. Lorsque mon frère arrive, je suis affalée sur la table de mon jardin et me suis déjà assoupie. Je sens vaguement qu'on me secoue, puis le noir.

     

    16 octobre, 8:01

     

    C'est tôt huit heures pour se réveiller, surtout avec la gueule de bois que j'ai. Mais je ne me soucie pas longtemps de mon mal de crâne car, dans ma chambre, ma mère, mon père, Invil (la femme de mon frère), Alicia (ma meilleure amie) et trois policiers me font face. Lorsqu'on m'annonce que j'ai assassiné mon frère, je ferme les yeux. C'est impossible. 

    Je n'ai aucun souvenir de la nuit dernière. D'habitude, des images floues me reviennent, et il y a toujours des témoins pour me raconter ce que j'ai fait pendant la soirée. Ce soir-là, comme par hasard, je dormais à points fermés et j'étais seule avec Johan.

     

    Alicia s'assit à mes côtés. Elle m'explique que mes parents l'ont appelée, ils étaient terrifiés et ont demandé si elle m'avait remarqué un comportement étrange ces derniers temps. Je n'écoute  pas ce qu'elle raconte. Le choc est trop violent. Mon frère est mort, et qui plus est on m'accuse de l'avoir tué. Mais c'est impossible, impossible. J'ai le sentiment que je vais exploser. On dirait que quelqu'un m'écrase le crâne de toutes ses forces. L'air me manque. Mais personne ne semble remarquer mon malaise. Mon père me hurle dessus, des larmes de rage lui coulent au visage. Ma mère et Invil s'étreignent en pleurant. Penaude, je pose ma tête sur mes genoux.

     

    15 octobre, 21:15

     

    Le mode filature, ça me connaît. Enfiler des lunettes noires et suivre ma victime à la trace, c'est la partie la plus drôle. C'est le moment où elle est encore vivante et énergique, et comme une petite souris elle est guettée par le chat qui va venir la dévorer. Johan sort du travail. Il monte dans sa petite voiture grise et prend la route. Il ne met pas longtemps à arriver. Tout se passe comme prévu. Il va voir sa sœur qui a arrêté de boire depuis peu, pour surveiller sa désintoxication. Cela fait trois mois qu'il se rend là-bas, chaque jeudi. Il entre. Le moment excitant arrive enfin, celui où vient la mort et où elle paralyse le souffle de sa victime. Je le suis, telle un félin dans mes gestes travaillés. Johan secoue sa sœur affalée sur la table. Il a bien fait de venir ce soir, car la pauvre petite a fait une rechute. 

    On me dit insensible, peut-être est-ce vrai, mais j'ai le meurtre dans mes entrailles. Tuer permet de résoudre de nombreux problèmes. Tuer a un pouvoir que ni les mots ni un tribunal ne possèdent. J'ai mes raisons. Je ne suis pas folle. Simplement prudente. Je sors brusquement de l'ombre et assomme Johan par derrière. Il est coriace. M'attrape par les cheveux et me plaque sur la table. Nos respirations essoufflées se font écho. Il ouvre des yeux ronds lorsqu'il me reconnaît. 

    « Toi...

    - Cette fois-ci, tu ne vivras pas assez longtemps pour le raconter. » Je lui écrase le pied de mon talon, et profitant du relâchement de son étreinte, le déleste de sa ceinture pour l'enrouler autour de son cou. Le temps semble s'arrêter. 

    Un instinct de bête me traverse, l'instinct de la tuerie. L’excitation court dans mon sang. Je tire un coup sec sur la ceinture et n'entends plus que le râle de Johan qui s'effondre à mes pieds. Sa dernière expiration se fait entendre, douce, éphémère. Je respire un grand coup pour me prouver que je suis, moi, bien vivante. Et je tourne les talons, laissant tout cela derrière moi. Mon plan est parfait. Martine va me couvrir sans le savoir. Elle ne se souviendra de rien, et je vais pouvoir, en tuant le frère, faire sombrer la sœur. Dors bien Martine...

     

    17 octobre, 11:10

     

    Mes parents ont refusé que j'assiste à l'enterrement de mon frère, exécuté en vitesse et dans la plus grande intimité. L'affaire ne devait pas être ébruitée, pour ne pas jeter la honte sur notre famille. Quant à moi, j'ai pleuré tout le jour, toute la nuit. Avant de me soucier de mon sort, je devrais me soucier de celui de Johan, trahi par sa propre sœur. Mais son deuil viendra. Actuellement j'ai d'autres préoccupations. Placée en garde-à-vue, j'ai subi un interminable interrogatoire.

    Mes parents m'ont immédiatement proclamée dégénérée et m'ont dénoncée sans remords. Les policiers ont jugé ne pas avoir besoin de preuves après m'avoir fait passer un Alcootest, mais ont quand même emporté la ceinture avec laquelle Johan a été étranglé. Cette ceinture est mon seul espoir de m'en sortir. Si elle révèle l'ADN du meurtrier, alors je serais libre. Mais si on trouve mes empreintes sur l'arme du crime ? Un doute est ancré en moi. Il s'attache à ma peau. J'ai peur. Et si j'avais réellement tué mon frère ?

    18 octobre, 12:05

     

    Hier, Alicia est venue me voir. Nous avons d'abord partagé nos larmes : l'analyse de la ceinture n'a révélé aucune empreinte, sinon celles de Johan. Puis, longuement, dans la salle froide et sombre mise à notre disposition, nous avons discuté, tranquillement, comme si rien n'avait changé. C'est une véritable amie. Nous sommes très liées. Depuis de nombreuses années, malgré nos différends, malgré le jour où Johan a tenté d'abuser d'elle, elle m'a toujours soutenue. Elle est la soeur que je n'ai jamais eu. Alors que ma famille préférait mon frère à moi, que tous me lâchaient à cause de mon métier peu rémunéré et mon rapport avec l'alcool, Alicia était là. Mais ma jalousie constante envers mon frère, n'était pas une raison valable pour que je l'assassine. Alors ? Qu'est-ce que je fais ici ? 

    19 octobre, 18:03

     

    J'ai toute ma famille à dos, tous me croient folle. Ce malentendu n'arrange pas mes relations avec eux. J'ai tenté de les appeler, une dizaine de fois au moins, autant qu'il m'a été permis. Mais, chaque fois, je me suis fait raccrocher au nez. J'ai tenté d'appeler Invil, qui est une femme sympathique et qui aurait dû écouter mon histoire. Mais elle m'a tellement couverte d'injures qu'en raccrochant, mon visage dégoulinait de larmes. Personne ne me croit.

    Mon sort n'a pas encore été décidé, mais cela ne saurait tarder. En attendant, on me condamne à l'assignation à résidence puisque ma garde à vue est terminée. Dans quelques minutes, le lieutenant Rosberg me ramènera chez moi pour que je n'en sorte plus. 

    Mais j'aimerais éclaircir l'affaire, puisque la police ne daigne pas chercher plus loin. Une idée m'a traversé l'esprit : les caméras. J'habite sur la RN13, une route très fréquentée où les parisiens roulent à une vitesse folle. Cet endroit est très surveillé. Si je parviens à récupérer la cassette datant du 15 octobre au soir, je pourrais prouver mon innocence.

    Il fait déjà nuit lorsque le lieutenant Rosberg et moi arrivons au centre de surveillance de Neuilly-sur-Seine. Je monte seule le grand escalier pour retrouver un policier qui m'attend. Il met en route la cassette du 15 octobre. À 21:10, on me voit rentrer ivre morte chez moi. Dix minutes plus tard, une voiture grise s'arrête et mon frère en descend. C'est alors qu'une Megane bleue se gare juste derrière et qu'une personne toute de noir vêtue en descend. Elle vérifie qu'elle n'est pas surveillée et entre à son tour. Je retiens ma respiration. Je suis à la fois soulagée et nerveuse. Je n'ai pas tué Johan ; je n'ai rien fait contre ma volonté. Mais un frisson me parcoure lorsque j'imagine cette personne entrant dans ma propriété et tuant mon frère juste devant moi. Je m'apprête à partir lorsqu'un détail retient mon attention. Le bracelet que porte le meurtrier. C'est une chaîne en or à laquelle pendent six lettres gravées sur des  perles.  Remontée dans la voiture où le lieutenant m'attend, j'ai le souffle court. J'hésite à lui parler de ma découverte. C'est trop... C'est trop fou.

    19 octobre, 18:20

     

    Nous roulons tranquillement vers ma maison. Rosberg tente de me dérider en lançant quelques vannes, mais voyant que je n'esquisse pas un sourire, il abandonne et se met à siffloter.

     

     

    Je tente de me relaxer, d'emplir ma tête de sa mélodie. Nous sommes presque arrivés. Nous nous apprêtons à quitter la RN13 lorsqu'une voiture surgit de nulle part et nous percute de plein fouet. 

     

    19 octobre, 18:20

     

    C'était idiot de laisser Martine en vie. Elle va sûrement chercher des preuves pour s'innocenter, et malgré ma prudence, elle risque de tout découvrir. La seule chose à faire pour m'en sortir, c'est de simuler un accident. C'est un peu basique comme méthode, et risqué, mais ça marche. J'ai étudié précisément l'angle par lequel je dois percuter la voiture pour que je m'en sorte saine et sauve, contrairement à Martine. Leurs airbags ne fonctionneront pas. Cette fois-ci, mon plan va marcher.

    Martine rentre chez elle ce soir. Plus vite j'agirais, plus vite je serais tranquille. La fourgonnette noire dans laquelle elle se trouve avec un lieutenant fait son apparition au croisement de la RN13 et de l'avenue Charles de Gaulle. C'est le moment que je choisis pour agir, et, mimant à la perfection un bête accident, j'enfonce le devant de la fourgonnette. Le choc me coupe le souffle. Je scrute un mouvement dans le véhicule. Rien. J'ai réussi.

     

    19 octobre, 18:25

     

    Ma tête est lourde. Le choc m'a étourdie. Je rouvre les yeux avec douleur. À mes côtés, le lieutenant Rosberg gît, sans vie. 

    Des gens accourent sur la route, les voitures stoppent. Un gigantesque bouchon s'est formé derrière nous. Heureusement il n'y a pas d'autres blessés. Lorsque je commence à me demander comment s'est produit l'accident, et pourquoi les airbags qui auraient pu sauver la vie du lieutenant ne se sont pas déclenchés, je croise le regard du conducteur de la Megane bleue qui nous a percutés. De la haine brille dans ses yeux. Un éclair les traverse, comme une lame, lorsqu'elle me toise. Oui, c'est bien Alicia, furieuse, haineuse, qui me fixe intensément de l'autre côté de la vitre. Alicia, mon amie de toujours à qui j'ai offert un bracelet en or à son nom en signe d'amitié. Alicia, qui a tenté de me tuer.  Alicia, la meurtrière de mon frère.

     

    Tandis que la violence de cette révélation me paralyse, tandis que le froid glace mes membres, je sens la vie me quitter. Trois hommes tentent de me dégager des débris de voiture en flammes, mais il est trop tard. Alicia a gagné. 


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  • Il y a quatre âges dans la vie de l'homme : celui où il croit au Père Noël ; celui où il ne croit plus au Père Noël ; celui où il est le Père Noël ; celui où il ressemble au Père Noël.

    Anonyme


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  • Après de longues heures de labeur, vous avez enfin terminé votre roman ! Je vous en félicite, mais vous n'êtes pas encore au terme de votre travail. Loin de là ! Maintenant, il va falloir le corriger, le retravailler, le remodeler.

    Prendre du recul

    Prenez du recul par rapport à votre roman. Laissez le de côté. Et lisez, lisez beaucoup pour penser à autre chose, ainsi que pour améliorer votre esprit critique. Lisez des bons livres, des best-sellers, pour vous comparer à eux. Et puis, au bout de quelques mois, reprenez votre roman.

    Corriger les fautes

    Vous allez me dire qu'on ne corrige les fautes qu'à la fin, mais vous allez devoir relire, en tant que lecteur, votre livre, et il faudra alors qu'il ne contienne aucune faute de français. Envoyez le à une personne de confiance qui saura vous corriger, ou alors si vous êtes plus courageux, ouvrez un Bécherel et corrigez vous-même !

    • Il y a les fautes classiques de frappe, que l'ordinateur souligne en rouge. Ça, c'est facile.

    • Plus difficile, des mots que vous avez bien écrits mais qui ne correspondent pas à la phrase: quelques voitures écrit quelles que voitures ne sera pas corrigé par l'ordinateur, POURTANT C'EST UNE ÉNORME FAUTE !

    • Ensuite, votre vocabulaire. Si vous n'êtes pas sûr de la définition d'un mot, allez chercher dans un dictionnaire ! Vous ne pouvez pas par exemple parler de.. Prenons une de mes fautes : de sourire édenté pour un sourire tordu (dents de travers) !

    • Aïe aïe aïe ! La conjugaison ! Combien de personnes font d'affreuses fautes de conjugaisons ? Vous écrivez un texte au passé, alors gardez-le au passé ! Écrivez un texte au présent et gardez-le au présent bon sang de bon soir !

    Corriger le fond

    Ici vous avez un gros travail, surtout sur le plan émotionnel. Vous allez devoir vous détacher de votre roman et le relire en tant que personne neutre. Au risque de sacrifier des extraits ! Il faut que votre histoire ait du sens, que les éléments soient cohérents, que le style reste le même tout le long du roman pour ne pas troubler le lecteur. Enlevez les extraits qui ne font pas avancer l'histoire. Par exemple, ne racontez pas le petit déjeuner de Martine avant qu'elle prenne le train, si c'est un petit déjeuner banal où il ne se passe rien.

    Primordial : AÉRER ! Vous devez rendre votre roman lisible, dégager les passages farfelus, être plus explicite sur certains évènements. Imaginez vous une pâte à gâteau légère et homogène. C'est à ça que doit ressembler votre roman.

    Faire lire

    La partie la plus pénible, c'est sûrement de le faire lire. Ne le faites pas lire à vos proches, de peur de ne pas avoir une réponse sincère, mais envoyez le à d'anciens camarades de classe, ou bien un professeur que vous aimez bien. Demandez-leur leur avis, et écoutez-les attentivement. En tant que lecteurs, ils seront les mieux placés pour critiquer votre roman. 


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  • J'adore la science-fiction, et depuis que j'ai lu Uglies (Scott Westerfeld), j'ai le projet d'en écrire. Le problème, c'est que c'est comme un roman historique, il faut une culture inouïe et n'omettre aucun détail. Voici mon prologue, lisez-le et donnez-moi des conseils, car je suis bloquée à la 11 ème page !

    Interfaces - Prologue

    En 2055, les uGlass, lunettes à réalité augmentée, sont le produit le plus vendu au monde. Leur créateur, Arthur Tone, directeur de la société Pear, croule sous l’argent grâce au succès de ses lunettes. Tout le monde les adore, elles ont remplacé l’ordinateur ainsi que le portable. La population mondiale tout entière est conditionnée aux uGlass. Cependant, quelques personnes résistent à cette technologie. Ils prétendent que les uGlass abrutissent tout le monde et que l’humanité court à sa perte. Mais personne ne les écoute, pourquoi ? Dans ce monde futuriste, quelques personnes saines d’esprit essayent de survivre. Suivons la longue épopée de Zazou, entièrement opposée aux uGlass, qui tente de se faire entendre.

    © Lise Bello, All Rights Reserved

    Mon histoire suit Zazou, l'héroïne de l'histoire, une MUSHY (Mal-adjusted to uGlass System Human, littéralement : humain mal adapté au système des uGlass) mais également Ken, MUSHY lui aussi, et Lena, une addicte aux uGlass qui a une opinion totalement différente et trouve cette technologie miraculeuse.


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  • Enfin, on arrive à l'écriture ! Comme quoi, vous qui vous précipitiez sur votre stylo, il y a eu du chemin avant de commencer la partie de plaisir ! Mais bien que ça paraisse facile, cette étape va vous occuper de longues, longues heures. Des jours, des mois, des années peut-être ! Vous en êtes à l'écriture de votre roman. Sur ce, je vous laisse à votre plume, revenez me voir lorsque votre premier jet sera terminé.


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