• J'aime bien mélanger les genres. Et pour mon roman polar, qui pour l'instant ressemble davantage à un roman d'amour et de réflexion, je compte insérer quelques phrases philosophes, un peu sorties de nulle part, j'avoue, mais je pense avoir bien réussi à insérer celles-ci dans mon récit. Bonne lecture ! ;)

    Alice jeta son carnet contre le mur. Elle n’y parvenait pas. À chaque fois qu’elle sentait venir le pétillement qui anime un bon roman, il s’affaissait aussitôt. Autour d’elle, depuis deux semaines, jonchaient des journaux éventrés, des mouchoirs sales et des brouillons innombrables. Le désordre de son local la déprimait. Il lui plombait le moral; elle se voyait sale et négligée, comme un cliché d’écrivain, une cigarette au bec et couverte de sueur collante. Mais elle n’avait pas la force de ranger. Son crayon valsait de page en page, ne s’arrêtait jamais. Il se déformait sous ses yeux fous, et se tortillait comme une anguille sur les feuilles qu’elle noircissait par dizaines.
    Le seul endroit à peu près ordonné de son petit local était le grand tableau qu’elle avait dressé contre le mur ouest. Il faisait bien quatre mètres de haut par deux mètres de large, et contenait sous forme de frise chronologique toutes les étapes de la vie d’Herculeus Jones. Alice la connaissait par coeur, dans les moindres détails, mais ce tableau la rassurait : son projet était concret, et il naîtrait un jour sous forme de la biographie la plus fidèle de Jones.
    En fait, pas exactement comme une biographie : plutôt comme un récit romancé retraçant la vie de son héros. Elle souhaitait y ajouter sa pâte, son grain de sel et sa vision des choses. Comme tout écrivain qui se respecte, Alice souhaitait affirmer son amour pour Jones et l’opinion que cet amour lui donnait.
    Elle n’avait pas dormi depuis une semaine et se sentait vaciller à chaque instant. Elle avait perdu quelques kilos à ne manger que des pâtes, qu’elle cuisait à la va-vite lorsque la faim devenait insupportable. Elle attendait l’affamement total pour enfin récompenser son estomac. Non comme une sorte de carotte devant l’âne qui l’attendait au bout de son roman, mais comme une motivation supplémentaire : Alice se souvenait très bien du jour où, interviewé à la TV, Herculeus Jones avait parlé de sa fugue et de ses conséquences. Alice se souvenait de chacun de ses mots, et il résonnaient en elle chaque fois qu’elle empoignait son stylo.
    « C’est à jeun que l’on a l’esprit le plus lucide avait-il dit. Lorsque je suis à jeun et que je touche à ma guitare, tout déferle d’un coup. J’ai l’impression d’être un dieu avec cet instrument dans les mains. Je me sens vraiment vivant. C’est pourquoi je joue principalement entre midi et treize heures, sans rien avoir mangé avant. Si vous êtes gourmand et souvent dans l’état euphorique d’un estomac repu, vous ne pouvez pas réellement vous concentrer. Réellement être à fond dans votre art. L’art a besoin de piment, de petites souffrances et d’évènements inhabituels. »
    Alice suivait ces conseils et poussait même le jeun sur une journée entière. Chaque fois que son estomac se contractait et réclamait sa pitance, elle l’ignorait en pensant : « C’est à jeun que je suis le plus lucide. » Et continuait son roman avec frénésie. Or la lucidité n’était pas une des qualités d’Alice. La véritable lucidité est de savoir penser par soi-même, sans suivre aveuglément les conseils et les dires de quelqu’un.

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  • Aujourd'hui, brusquement inspirée, j'ai commencé un recueil philosophique tournant principalement autour de l'Art.

    L'art est, pour ceux qui ne le pratiquent pas, un domaine flou, une sorte de secte dans laquelle chaque artiste a un langage secret avec un autre. Pour ceux qui le pratiquent, l'art est une délivrance. Une délivrance de la vie, de nos soucis, de nos chagrins. L'art est une branche à part dans la société, qui a tous les droits : critiquer, dénoncer, donner son opinion et se livrer.

    La décadence est l'ennemie de l'art.
    C'est à jeun que l'on est le plus lucide. Si vous êtes gourmand et souvent dans l’état euphorique d’un estomac repu, vous ne pouvez pas réellement vous concentrer. Réellement être à fond dans votre art. L’art a besoin de piment, de petites souffrances et d’évènements inhabituels. Plus vos souffrances vous atteignent et vous marquent, plus vos créations en seront bouleversantes. Jouer Happy en étant triste sonnera faux. Écrire une histoire de mariage après une rupture, également. Restons simples et cherchons en nous-même. Au plus profond de nous, nous avons le titillement de l'artiste, qui frémit, qui trépigne, qui n'attend que le jour où vous le trouverez et lui ferez découvrir le jour.

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  • À l'occasion de la Matinale des Lycéens, voici quelques conseils pratiques pour écrire une nouvelle rapidement.

    La Matinale des Lycéens se déroulera en 7 heures, donc voici les 7 étapes à l'écriture de votre nouvelle. 1 étape = 1 heure.

    I- Créer l'intrigue

    Oui oui, une heure est le strict minimum pour inventer une intrigue. Il vous faut une intrigue simple, facile à comprendre, mais il faut que la chute soit claire, nette et précise.

    Votre nouvelle sera présentée ainsi :
    Histoire : dans l'histoire vous sèmerez quelques indices amenant à la chute, mais très discrets pour qu'on ne la devine pas
    Chute : inattendue, étonnante, déroutante; le lecteur doit être surpris et des émotions doivent l'atteindre (soulagement, compassion, horreur...)

    Pourtant, vous allez procédez dans l'autre sens pour écrire votre intrigue. Prenez un brouillon et commencez par écrire la chute, puis tous les indices permettant d'amener la chute. Ainsi vous aurez une idée très claire de votre chute et votre nouvelle aura une forme excellente; vous aurez combiné suspense et habileté.

    NE JAMAIS commencer une nouvelle sans avoir une idée précise de votre chute. La chute risquera d'être trop surréaliste ou de n'avoir aucun rapport avec l'histoire qui la précédait.

    II- Créer le décor

    Cette heure sera certainement la plus créative, celle où vous allez pouvoir laisser défiler vos pensées tranquillement. Vous allez créer le décor ainsi que les personnages. Voyez cela comme un sujet d'arts plastiques : si votre nouvelle est une nouvelle polar, le sujet sera de créer un décor en accord avec l'intrigue : noir, lugubre, inquiétant. Vous pouvez prendre un lieu existant, en glissant des références qui vous feront marquer des points au niveau culture générale, mais vous pouvez également inventer un lieu de toutes pièces. Pour cela, il vous faudra clarté et concision pour que votre lecteur perçoive précisément ce dont vous parlez. Un auteur français est (était) le maître du décor imaginaire : Pierre Bottero. Ce n'est pas mon auteur préféré, car il a un style très enfantin, mais sur ce point il a du génie. Il a su, dans chacun de ses livres, créer un décor et une ambiance spectaculaires. Il n'y a pas d'ambiguïté dans ses descriptions. Elles sont claires et concises.

    Bref, ceci était une petite parenthèse pour vous faire comprendre l'importance du décor. Le décor créé l'ambiance, c'est donc primordial de le travailler autant que l'intrigue. Travaillez le fond et la forme.

    Une fois votre décor créé, passez aux personnages. Créez leur à chacun une personnalité, des habitudes, une gestuelle, une façon de parler. Ainsi, vos personnages se détacheront les uns des autres et seront plus pertinents que des personnages 'passifs' qui sont tous parfaits et tous gentils. Créez par exemple un personnage timide qui n'aime pas être le centre de l'attention et qui fuie les autres, et un deuxième personnage qui se fiche de tout et va droit au but dans ses actes et ses paroles. ATTENTION ! Quand vous passerez à la rédaction de votre nouvelle, ne vous étendez pas sur la description du décor et des personnages ! Toute la subtilité d'une nouvelle, c'est de savoir créer une ambiance en quelques pages, et d'un coup faire tout s'écrouler.

    III- Faire une pause

    Posez vous une heure ! Après avoir précisément en tête l'intrigue, le décor et les personnages, et peut-être même quelques phrases qui vous sont venues comme ça, prenez une heure de 'congé' ! Cela ne sert à rien de vous tuer à la tâche. À la fin de la journée, au moment de la relecture, vous verriez tout rouge et n'auriez qu'une envie : envoyer votre nouvelle. Pourtant, la relecture est pratiquement aussi importante que l'écriture elle-même ! Alors, pour rester frais(che) toute la journée, reposez-vous un peu (après avoir noté toutes vos idées sur un brouillon, évidemment). Pensez à autre chose, regardez la télé, lisez. Ne stressez surtout pas pour la suite, vous aurez tout le temps d'y réfléchir plus tard. Programmez une sonnerie pour une heure plus tard et faites autre chose. Lorsque la sonnerie retentira, ce sera l'heure de la quatrième étape.

    IV- Rédiger le premier jet

    Sortez un peu de votre état de décadence (je parie que vous avez passé toute la troisième heure à regarder la télé en mangeant des chips !) et prenez une douche froide. Vous avez les idées remises en place ? Parfait ! Relisez deux-trois fois vos notes, prenez une feuille blanche, et lancez-vous. Écrivez écrivez écrivez, NE VOUS ARRÊTEZ SURTOUT PAS ! Écrivez comme ça vous vient, sans vous relire, sans corriger vos fautes. On dit qu'il 'faut battre le fer tandis qu'il est chaud'. C'est exactement ça. En une heure (peut-être même moins), vous aurez écrit votre nouvelle. Impressionnant, non ? Eh oui, mais on ne va pas s'arrêter là. Il nous reste trois heures avant la fin du concours.

    V- Relire et corriger

    Phase de transition très importante entre le premier jet et la Relecture (avec un grand r). Relisez votre premier jet en corrigeant les fautes de français et d’orthographe, les répétitions, les expressions mal tournées. Si vous le pouvez, faites lire votre nouvelle à quelqu'un (un proche, un professeur) en précisant bien que c'est un premier jet que vous allez retravailler.

    VI- La relecture

    Cette phase dure normalement plus d'une heure, mais nous n'avons plus tellement le temps, alors nous allons être efficace. Vous avez votre premier jet en main, les fautes gênantes sont corrigées. Maintenant, vous allez lire votre nouvelle en tant que lecteur et non en tant qu'auteur. Prenez votre nouvelle à côté du brouillon sur lequel vous avez écrit l'intrigue et l'ensemble des indices. En lisant votre nouvelle, vous devez revenir au même récapitulatif.

    Souvent, un lecteur de nouvelles, après avoir lu la chute, relit la nouvelle pour y retrouver les indices et se dire "Mais oui, c'était évident ! Pourquoi n'y ai-je pas pensé ?"

    Semez des indices. Le lecteur est souvent moins intelligent qu'on ne le pense. Si l'ambiance de votre texte le transporte, il négligera les petits détails, et ainsi votre chute l'étonnera. Vous devez savoir conjuguer clarté, beauté et suspense. Oui, c'est dur. Mais vous avez un support : votre premier jet. Vous n'avez qu'à jouer au professeur de français en train de corriger une copie. Prenez un crayon rouge et entourez les passages qui demandent à être améliorés. Lisez votre nouvelle à la manière d'un lecteur : d'abord ignorant, puis à la recherche d'indices. Une fois votre feuille pleine de rouge, réécrivez votre nouvelle avec toutes les modifications nécessaires.

    Fini ? Presque ! Pour la dernière heure, vous allez pouvoir vous détendre.

    VII- La mise en page

    Ouf ! Votre nouvelle est enfin achevée ! Vous avez effectué plusieurs relectures afin qu'elle soit parfaite. Maintenant, il ne vous reste plus qu'à la taper sur l'ordinateur. Un conseil : restez simple dans la présentation. Dans la plupart des concours, une taille et un style de police sont demandés. Lisez attentivement le règlement ! Si la présentation de votre texte n'est pas conforme, il sera éliminé sans même être lu. S'il n'y a pas de consignes, je vous conseille Arial ou Times New Roman, taille 12. Mettez votre titre en taille 14 ou 16, à la rigueur en gras.

    Un conseil : aérez votre texte ! Une nouvelle est bien plus plaisante à lire lorsqu'elle est composée de courts paragraphes, séparés entre eux. C'est bien connu, les yeux du lecteurs accrochent beaucoup plus facilement à un texte aéré qu'à un bloc de mots uniforme.

     

    Votre nouvelle est terminée ! Félicitations ! J'espère que mes conseils vous auront servi et que vous gagnerez ce fameux concours ! ;)


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  • Quand j'ai vu ça, j'ai simplement fait "WAOU" ! Short Edition organise La matinale des lycéens, une journée (7 heures) pour écrire soit une nouvelle soit un poème, soit une page de BD... ou les trois !

    Et le jury n'est autre que Timothée de Fombelle, l'auteur de Vango et Tobie Lolness ! Vous êtes partants ? ;)

    C'est ici !

    À l'occasion de ce concours, j'ai créé un article destiné à vous aider dans la rédaction de votre nouvelle (si vous choisissez cette catégorie) :

    Écrire une nouvelle en 7 étapes


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  • Pour le roman que je suis en train d'écrire, j'invente une star de toutes pièces, Herculeus Jones, alias John Jones. Voici, pour l'instant, les deux extraits parlant de lui.

    La ligne d’horizon s’étalait sous ses yeux. Le ciel lui présentait un mélange sucré de rose et d’orange, d’un peu de pamplemousse et d’un doré de soleil couchant. Il trottait doucement, vérifiant ses appuis, détendant ses chevilles à chaque foulée. Une légère couche de sueur lui recouvrait l’échine; les rayons orangés luisaient sur cette peau hâlée. Ce large dos que toutes les femmes idolâtraient.
    Il mettait un point d’honneur à s’entraîner quotidiennement. Musculation, footing, abdominaux. Rien n’était laissé de côté. La nuit, il exerçait sa voix. Sa respiration était parfaite. Fluide et puissante. Il savait accorder légèreté et force, dans un seul et même souffle. Cela donnait à sa voix un timbre particulier, qui laissait chaque être vivant qui l’entendait, pendu à ses lèvres.

     

    A trois ans déjà, il touchait à la gratte. Ses parents semblaient avoir une phobie folle de cet engin, et interdisaient sa pratique. Pourtant, Jones ne se démontait pas. Une passion est une passion. Lorsqu’on l’a en nous, elle écrase tout le reste. Ici, c’est l’autorité parentale que Jones écrasa comme un vulgaire insecte. À sept ans, il fit sa première fugue.
    C’était un après midi brumeux d’automne. L’enfant s’était disputé avec son père, et, comme chaque fois, il avait terminé en pleurs dans sa chambre, une haine destructrice au coeur. Il massait douloureusement le bleu qu’il avait à la joue. Son père, dans un excès de violence, l’avait sonné d’un coup de poing. Pour Jones, c’en était trop. Il attrapa sa guitare précieusement cachée sous son lit, se l’accrocha au dos, puis sauta par la fenêtre dans l’arbre qui la côtoyait et s’enfuit à toutes jambes. Du haut de ses sept ans, déjà il était autonome. Grimper dans des arbres, acheter à manger, tout cela n’étaient pas des obstacles à sa liberté.

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